samedi 11 mars 2017

avec Françoise Pétrovitch (2)

Je suis au boudoir.. du salon, les échos d'un concert de Keith Jarrett.. création

La fenêtre est grand'ouverte sur l'arbre mort.. 

Et le petit cheval à bascule de Soutard a immobilisé l'enfance.. 

Et si je vous parlais de Françoise Pétrovitch..?



    





Nous sommes en 2012.. en quelle saison ? je ne sais plus.. nous  cheminons.. Kamila et moi.. rencontrer Françoise Pétrovitch chez elle, en son atelier dans les environs de Paris..
Sa pièce de création est tout en haut de la maison.. le Grand Atelier que je découvrirai un an plus tard, dans son jardin, est alors en échafaudage.. Une maison paisible, généreuse, accueillante..Il y a des fleurs dans un vase.. le thé bientôt fumera dans les bols.. Une vraie maison !!

Là-haut, Françoise déploie pour nous des dessins, des traits, des feuilles de papier délicatement déposées à l'intérieur de boîtes, de tiroirs.. les formats sont amples, la trame du papier   est épaisse.
Ce papier ressemble à ces feuillets utilisés alors pour recopier, sur les bancs de la petite école de mon village, des compliments offerts à une fête des mères, à une fête des pères.. ruban rose, ruban bleu en lien..

Il y a aussi des sculptures, des boîtes à musique.. l'ordre est minutie et respect.. seuls des murmures de papiers pétrissent le silence presque mystique de ces lieux de travail.. A genoux, je découvre l'aquarelle, les visages d'enfant, les becs d'oiseau, les oreilles de lapin, le crayon.. une sorte de symphonie intérieure dégringole en moi.. Oui, Françoise Pétrovitch saura dire ce que, maladroitement sûrement, je lui confierai plus tard, lors de nos promenades en forêt. Françoise pourra exprimer sur papier, en couleurs jointes à l'eau, mes mémoires d'images un peu brouillées de l'enfance, mes images, seules traces d'un autrefois de petite fille..

Le métro nous reconduit à Paris.. je suis, je m'en souviens, silencieuse et chancelante..

Le printemps nous accueille très vite à Saignon, dans la résidence d'artistes et la galerie de Kamila Regent.. Là, nous partageons plusieurs jours avec Françoise. Les rituels de cette maison nous sont  familiers.. Il y a les longues balades en forêt avec Tchai, labrador au pelage vanille.. le crépitement du bois ramassé et jeté alors dans la cheminée au retour.. les diners de saveurs .. un peu d'ivresse aussi et des nuits de profond repos, scandées par l'autorité des cloches de l'Eglise..

Françoise écoute, retient je pense, les mots dits. Je raconte mes souvenirs de petite fille, là-bas dans cette demeure familiale martelée de rites, de rigueur, mais aussi de belles évasions en potager et poulailler.. la confiture de mirabelles écumée dans son chaudron de cuivre sur la cuisinière à bois, les petits fruits d'or dénoyautés alors par nos mains malhabiles d'enfant, armées juste d'un bout de sarment pointu.. les odeurs, les bruits de cette cuisine ancestrale et l'oeil toujours attentif d'une grand mère étonnante..

J'évoque aussi les coquelicots, fleurs ô combien éclaboussantes de lumière. Le souvenir de ces boutons velus dont nous provoquions l'ouverture pour découvrir alors des petites poupées, un peu flétries certes, qui dansaient toutefois dans notre univers d'alors.. J'ai toujours aimé les coquelicots dans les champs .. je les retrouve chaque année mêlés aux blés de printemps, tâches rouges claquant dans les campagnes de Provence..

Ma grand mère était cette présence permanente à nos côtés.. l'arbre de Noël ressemble encore aux dessins des petits en maternelle.. haut et parfaitement équilibré dans la rythmique de ses branches vertes et légèrement pointues.. je me souviens des jouets d'autrefois.. d'un tableau gigantesque qui régnait dans le grand escalier.. une arrière grand mère en amazone.. je lui ressemble tant, disait-on alors..

Il y avait le petit cheval à bascule rouillé par tant de galops immobiles en corridor.. il y avait surtout l'ami Capy, magnifique berger allemand qui fut le compagnon le plus fidèle de ces petites années.. Il était notre ami, notre confident, notre oreiller.

Chemin faisant, aux côtés de Françoise, dans cette campagne sans artifice et seulement parée de la beauté des saisons, j'évoque aussi les petits chagrins du moment..  ma petite soeur avait ôté sa menotte de la mienne.. ou était-ce moi qui l'avait abandonnée..?

Les six aquarelles que Françoise réalisera alors après tous ces jours, toutes ces escales en bavardages, en silence aussi, en sourires et en larmes retenues ont été glissées dans un magnifique écrin de toile bleue.. une boîte merveilleuse, un trésor hautement personnel qui se glisse avec pudeur au creux de la collection que j'élabore au fil du temps..
Vous reconnaîtrez Capy, le coquelicot, l'arbre de Noël, l'oiseau.. pour les ailes!.. l'aïeule.. il y a aussi cette petite fille isolée comme agenouillée..
Vous déposerez surtout votre regard sur la petite main d'Hélène glissée dans la mienne.. une  petite fille blonde, une petite fille brune..

L'azur en Zigzag.. un recueil de six aquarelles rares et précieuses.

                                
                          Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
                                          © Collection IdL 




Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL  
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL 
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL
Françoise Pétrovitch - L'Azur en Zigzag, 2012
© Collection IdL